Abdellatif Kechiche nous offre un film déchirant, simple, drôle, vrai. L'histoire d'une famille péniblement recomposée, centrée autour de Slimane, maghrébin d'une
soixantaine d'année qui, suite à un licenciement abusif décide d'ouvrir un restaurant sur un bateau, de laisser "quelque chose" à ses proches, de prouver à tout le monde qu'il en est capable.
"La Graine et le Mulet" en référence au plat qui nous sera montré en long et en large jusqu'à nous faire saliver. Car la grande richesse de ce film, c'est son authenticité. Kechiche filme la
vie, il invite le spectateur à s'asseoir à la table familiale, il nous présente ses personnages et nous donne l'impression de les connaître. Tous sont parfaits et pourtant presque aucun n'est
professionnel, mais l'ampathie naît rapidement et on ressent une réelle complicité entre chaque individu, il nous semble alors que l'on regarde un documentaire, mais non, c'est bien un grand
film de cinéma! Le réalisateur aime les femmes et détruit tous les clichés inhérents à l'image convenue de la femme arabe soumise et silencieuse. Ici, les femmes ont une force de caractère
impressionnante, elles mènent la barque et n'en sont que plus attachantes. Ainsi de Souad la maman au coeur généreux à Lilia, la fille de Slimane, drôle et meneuse, de Julia la bru mal mariée
et au bord de la crise de nerf à l'incroyable Rym (Hafsia Herzi, la révélation du film!), belle-fille gouailleuse, belle et courageuse, elles sont toutes spectaculaires. Alors que les hommes
existent dans leur silence... ce qui ne les rend pas moins attachants. L'oeuvre mêle les genres et les thèmes, l'espièglerie de la jeunesse à la sagesse des ainés, la comédie au drame, il
réussit à créer un suspense halletant quand "la graine" vient à disparaître. Bien sûr le film est ancré dans notre époque, dans une réalité sociale que nous connaissons tous, mais n'est à aucun
moment didactique ou démonstratif. Rarement un film n'aura été aussi juste. Sans aucun doute, mon préféré de 2007.